© Christian, http://www.hautesavoiephotos.com |
La région du Mont-Blanc est un territoire qui depuis près de trois cents ans est extrêmement valorisé et convoité par les sociétés humaines.
Culminant aujourd’hui à 4 810 mètres d’altitude, le sommet du Mont-Blanc reste l’objet d’un débat quant à son appartenance, [Le 13/09/2011, Le Dauphiné Libéré (journal régional français) rapporte que Niccolo Rinaldi, député européen italien, ravive le débat sur l'appartenance de la cime de l’Europe, en saisissant la Commission européenne : « Mais à qui appartient le Mont-Blanc? »]. Les vicissitudes de l’histoire, plus que diviser sur cette question secondaire de nationalité, ont permis au fil du temps de rapprocher les entités des pays concernés.
LE TOUR DU MONT-BLANC EN QUELQUES DATES
© Frères Séeberger, 1900-1925, http://www.massif-mont-blanc.com |
En 1786, Paccard et Balmat entreprennent la première ascension du Mont-Blanc. L’année suivante les premières ascensions avec des clients se développent.
En 1924, Chamonix accueille les premiers Jeux Olympiques d’hiver auxquels participent 300 sportifs représentants 16 pays.
Le 14 juin 1951, un arrêté ministériel français classe la partie française du massif située au-dessus des 2 000 mètres d’altitude ainsi que les langues terminales glaciaires. Cette première protection est minimale, elle ne comporte pas de système de gestion.
Le général de Gaulle et le président italien Giuseppe Seragat inaugurent le tunnel du Mont-Blanc le 16 juillet 1965. Long de 11,6 kilomètres il relie désormais la France à l’Italie.
À l’occasion du bicentenaire de la 1ère ascension en 1986, des alpinistes demandent une protection accrue du Massif. Un an plus tard, ils créent Mountain Wilderness lors d’un congrès international en Italie et lancent l’idée d’un « Parc international du Mont-Blanc ».
En 1989, les élus locaux reprennent l’idée à travers la proposition de création d’un « Espace Mont-Blanc ». En 1991 est créée la Conférence Transfrontalière Mont-Blanc (CTMB) qui rassemble 15 membres, 5 par pays dont au minimum 3 représentants locaux ou régionaux.
DE LA CONFÉRENCE TRANSFRONTALIÈRE MONT-BLANC...
Instituée en 1991 sur l'initiative des ministres de l'environnement de France, d'Italie et de Suisse, la CTMB est chargée de mettre en œuvre, sur le terrain, une politique commune de valorisation active de la montagne, dans le sens d’un développement durable. Élus, agriculteurs, représentants d'associations de protection de la nature ou encore techniciens participent de façon interactive à une démarche collective de protection des milieux naturels des paysages et à la promotion d’activités socio-économiques. La CTMB siège 3 à 4 fois par an, alternativement dans chaque pays, un Comité Exécutif a été mis en place afin de suivre ces réunions. Ce dernier assure l’organisation et l’exécution des projets par la mise en place et le suivi de groupes de travail dans le respect de l’écoute des attentes et propositions susceptibles d'être formulées par les acteurs locaux.
...À L'ESPACE MONT-BLANC
L'Espace Mont-Blanc constitue une entité territoriale transfrontalière qui réunit 35 communes, dont 15 communes des départements français de la Savoie et de la Haute Savoie (rassemblées au sein du Syndicat Intercommunal à Vocations Multiples "Espace Nature Mont-Blanc"), la région autonome italienne de la Vallée d'Aoste, la République et le canton suisse du Valais. Beaucoup d'autres partenaires apportent un soutien technique et logistique qui permet la mise en place de projets dont le domaine d’action s’étend sur une superficie de 2 800 km2 et qui concernent 100 000 habitants. Au sein de la Conférence Transfrontalière Mont-Blanc, ces acteurs se sont engagés, à travers une démarche de coopération, à protéger et à valoriser un territoire emblématique où cohabite patrimoine naturel et activités économiques et touristiques d'envergure internationale.
Les objectifs majeurs qui portent les projets de l'EMB sont les suivants:
- soutenir l’agriculture de montagne et les activités pastorales
- préserver les espaces naturels et les paysages
- encourager un tourisme doux
- réduire l’impact des transports
LES OUTILS DE MISE EN OEUVRE DE L'ESPACE MONT-BLANC (EMB)
Pour formaliser ces critères, L’EMB a mis en place un Schéma de Développement Durable, afin d'améliorer la gestion des ressources naturelles et de limiter les nuisances et l'impact des transports sur le territoire.
Le Plan Intégré Transfrontalier Espace Mont-Blanc, cofinancé
par les fonds européens de développement régional à travers le Programme de
coopération France-Italie ALCOTRA 2007-2013, est un autre des moyens trouvés pour
mettre en œuvre des actions pour développer le territoire de l’EMB.
Ce
PIT, qui s'élève à 12 millions d'euros, s’appuie sur le SDD, utilisé comme document de référence pour l’Espace
Mont-Blanc. Il propose 6 projets.
1) Camp
de base : de loin le plus structurel des 6 projets, il exprime la volonté de doter l’EMB de
moyens pour gérer le territoire efficacement à l’aide de trois outils :
-
La classe scientifique, qui met en commun
les connaissances et les recherches faites sur l’environnement mais sur le
territoire socio-économique.
-
L’Observatoire du Mont-Blanc qui est un
outil d’aide à la décision pour l’évolution du territoire, a travers la mise en
place d’indicateurs tous liés à la thématique du développement durable.
Aujourd’hui on en compte 15, 30 indicateurs supplémentaires sont prévus à court
terme, 240 sont envisagés au total.
-
Un plan de gestion du Massif, car
aujourd’hui le Mont-Blanc n’est pas protégé de la même façon dans les 3 pays
concernés : en France c’est un site classé, mais qui n’a pas donné lieu à
un plan de gestion (refus de classement en parc national dans les années 80),
tandis qu’en Italie par exemple, le Mont-Blanc est inclus dans le dispositif
Natura 2000. Le PIT permettrait d’établir un outil de gestion commun dans l’éventualité
également d’une reconnaissance de la part de l’UNESCO.
Né suite au refus de l’érection du Massif
en parc national, l’EMB porte aujourd’hui les enjeux de la protection de ce
territoire et ses actions sont très suivies par le Ministère français, tout
comme par le milieu associatif.
2) Villages
durables : sur la question de l’utilisation des
énergies renouvelables
3) Autour
du Mont-Blanc : Tour du Mont-Blanc pour un tourisme
intégré.
4) Éducation
à l’environnement et au développement durable :
qui est le projet le plus transversal et qui permet de synthétiser les enjeux des
autres projets pour une communication pédagogique
5) Mobilité :
cohésion des transports, notamment des transports en commun entre les trois
pays.
6) Saveurs
d’Hauteur : qui est aujourd’hui le projet le plus
abouti et un excellent moyen de communiquer autour des actions de l’EMB.
DES PROJETS CONCRETS
Bouquetin à La Casermetta, © http://www.autourdumontblanc.com |
Sa réhabilitation s’inscrit dans le cadre des actions concrètes de l’Espace Mont-Blanc, au sein du Programme Interreg IIIA Alcotra France-Italie. La transformation de l’ancienne structure militaire en centre d’accueil a donc fait l’objet d’un financement européen. La nouvelle structure dispose d’un système d’approvisionnement énergétique exclusivement branché sur les ressources renouvelables : panneaux solaires, photovoltaïques, micro-centrale hydroélectrique.
Maquette du massif du Mont-Blanc, © http://www.autourdumontblanc.com |
Dans le cadre du PIT de l'Espace Mont-Blanc, la Casermetta est insérée dans un réseau de centres d'éducation environnementale, avec une attention particulière pour les glaciers et leurs dynamiques. De part son histoire militaire, elle fait également partie du réseau alpin « Sentinelles des Alpes ».
©http://www.chamonix.net |
La liaison Chamonix-Courmayeur en bus
Pendant l'hiver 2010-2011, le service international de transport public reliant Chamonix à Courmayeur a été renforcé. Afin de permettre au public de fréquenter facilement les deux communes de l’Espace Mont-Blanc, deux courses ont été rajoutées aux cinq trajets aller-retour prévus sur l’horaire hivernal, dont une en soirée pour favoriser la vie nocturne.
Pendant l'hiver 2010-2011, le service international de transport public reliant Chamonix à Courmayeur a été renforcé. Afin de permettre au public de fréquenter facilement les deux communes de l’Espace Mont-Blanc, deux courses ont été rajoutées aux cinq trajets aller-retour prévus sur l’horaire hivernal, dont une en soirée pour favoriser la vie nocturne.
Le projet (expérimental) a été
lancé le 29 janvier 2011, à l’occasion de la Foire de la Saint-Ours, évènement
de l’artisanat valdôtain très fréquenté. La collaboration a été mise en place
par les sociétés de transports SAVDA d’Aoste et SAT MONT-BLANC de Chamonix.
QUELQUES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES PAR L'ESPACE MONT-BLANC
Serge
Tuaz, secrétaire général de l'Espace Mont-Blanc, souligne le problème de lisibilité dont souffre l’EMB, en termes de communication. En effet, la structure doit répondre aux contraintes de
communications ALCOTRA, c’est-à-dire à une forme bien spéciale de support et de
visuel, alors qu’elle adopte actuellement une forme de communication propre au
PIT, qui s’achève dans 6 mois. Dans ce contexte, comment identifier l’Espace
Mont-Blanc à travers une communication singulière, en rendant sa visibilité
plus pérenne ?
L’implication
des acteurs est elle aussi difficile à évaluer. Si le Schéma de Développement Durable s’est établi dans une large démarche de concertation, la distance avec les
territoires locaux se fait sentir dans la mise en application.
"Il règne un certain cloisonnement entre les institutions des trois entités nationales et le véritable enjeu réside dans la recherche de synergie. Le PIT est une stratégie très ambitieuse, mais également très globale, que les citoyens ont parfois du mal à percevoir comme structurante, tandis que les élus en attendent des résultats concrets."
"Pour conclure sur ces difficultés de perceptions, il convient de souligner ici un problème franco-français qui met en exergue l’urgence de la définition d’une structure juridique pour l’Espace Mont-Blanc. L’institution de référence pour la partie française est celle du Syndicat Mixte des Pays du Mont-Blanc qui compte une quinzaine de communes dont quatre se sont récemment transformées en communautés de communes ; de plus dix autres entités communales souhaitent être rattachées au Syndicat intercommunal de l’Espace Mont-Blanc alors qu’elles ne se trouvent pas sur le territoire direct de l’EMB. Chamonix est toujours perçue comme leadership, tandis que le message que souhaite porter l’EMB n’est pas celui d’une commune mais d’un territoire tout entier. La situation est inconfortable politiquement, il existe un véritable problème de gouvernance qui pénalise le bon déroulement des actions transfrontalières : il est par exemple difficile de mettre en place un réseau transfrontalier de transport en commun."
Propos recueillis par entretien téléphonique le 19 mars 2012.